NOTES BIOLOGIQUES
Les récifs se développent dans les eaux tropicales pauvres en ressources alimentaires, formant dans le désert aquatique autant d’oasis où chaque habitant recycle tous les éléments disponibles avec une parfaite économie de moyens. L’activité du récif corallien donne un exemple saisissant des capacités de recyclage du monde vivant, tout le monde y est convié. Les riches minéraux issus de la décomposition de la carcasse de l’ange de mer, dernière proie de la murène, n’ont pas le temps d’être emportés par les courants. Ils alimentent l’algue symbiotique qui fabriquera les éléments nutritifs dans le manteau du bénitier géant ou bien s’incrusteront dans le squelette des coraux. Enfin, en broutant le corail à la recherche des algues et en éjectant son squelette broyé comme autant de grains de sable, les poissons-perroquets remettront en circuit les dernières traces de l’ange de mer. Au sein de ce foisonnement qui se développe par et pour le récif, il y a des règles et des lois. La promiscuité entre les espèces est poussée à son paroxysme, nul organisme n’est isolé, prédateurs et partenaires d’un jour doivent cohabiter. Le petit peuple des galeries de corail est engagé dans une lutte permanente pour la conquête et la défense de l’espace vital. Pour cela, tous les moyens sont bons, camouflages, agressions chimiques ou tromperies. Le moindre recoin du récif est colonisé ou exploité. Au fil du temps, il s’y forme des fissures, des grottes ou des tunnels. Les vers, les huîtres et autres créatures fouisseuses qui s’enfoncent dans les têtes de corail laissent également derrière eux un dédale de
grottes et de canaux, dans lesquels toutes sortes d’animaux élisent domicile.
À première vue, cette gorgone semble inoccupée, mais une inspection attentive révèle d’innombrables habitants, des araignées de mer ou des poissons aigles à long bec, dont les couleurs se fondent toujours avec celle de leur hôte. Ils se dissimulent entre ses rameaux, tout comme les minuscules gobies qui disparaissent vite dans ses méandres. Les porcelaines, les ophiures, les vers, les crevettes et les petits poissons envahissent eux aussi les gorgones pour se nourrir et se protéger de leurs prédateurs. Non seulement la moindre parcelle du récif, mais aussi le moindre animal sont colonisés. La symbiose est un maître mot sur le récif, c’est l’aboutissement fascinant de la tolérance entre les créatures. On appelle ainsi ce contrat d’association à bénéfices réciproque qui lie deux espèces. L’exemple le plus célèbre est celui du poisson clown et de l’anémone de mer vénéneuse, mais on s’aperçoit vite que la structure corallienne tout entière repose sur des relations symbiotiques. Malgré leurs tentacules urticants, les anémones de mer hébergent toute une population de poissons et crustacés, certains vont même jusqu’à y pondre leurs œufs. Ces anémones s’habituent-elles à la présence des squatters? Ceux-ci possèdent-ils les contres poisons leur permettant d’ignorer les piqûres théoriquement mortelles ?
Il faut croire que la relation de bonne entente se construit patiemment, par effleurements prudents. Progressivement, en
36 /
Powered by FlippingBook